VERS UN ABOLITIONNISME ANARCHA-TRANSFEMINISTE, ANTI-RACISTE, ANTI-VIOLEURS, YOUTH LIBERATIONIST

Note de traduction : Si l'écriture inclusive a été préférée pour parler des survivant.e.s d'agressions, les oppresseurs sont genrés par généralisation au masculin dans ce texte.

Content Warning : Viol, Agression Sexuelle, Agression de personnes mineures, Incarcération, Abus, Racisme ***

  1. Tout violeur est un flic sans badge
  2. Tout flic est un violeur avec un badge 1.
  3. Presque aucun violeur n’est emprisonné. Les prisons ne punissent pas les violeurs.
  4. De fait, la majorité des violeurs prospèrent, ont une carrière réussie, obtenant pouvoir, richesse et prestige.
  5. D’un autre côté, les survivant.e.s qui tuent les personnes les ayant violé ou abusé risquent d’être incarcéré.e.s en conséquence. Les prisons punissent celleux qui se défendent contre les violeurs.
  6. Les personnes incarcérées sont régulièrement agressées en prison ; les agressions commises par les gardiens, le personnel, et les autorités sont, de façon anecdotique, plus courantes que les agressions par d’autres personnes incarcérées. En d’autres termes:
  7. Les prisons sont dirigées et opérées par les violeurs et pour leur bénéfice ; les prisons récompensent les violeurs avec un accès à un groupe de victimes qui ne peuvent pas résister ou s’échapper. Les prisons punissent la résistance violente.
  8. Abolir les prisons implique alors nécessairement de libérer une population de survivant.e.s qui ont tué leurs violeurs. Cela suppose de les libérer de gardiens de prison qui sont aussi des violeurs.
  9. Le Complexe Carcéral-Industriel n’est pas et n’a jamais été une institution destinée à punir les gens qui dominent violemment et blessent autrui.
  10. Le Complexe Carcéral-Industriel n’est pas une institution de justice.
  11. Le Complexe Carcéral Industriel est une institution d’esclavage racial.
  12. Bien que l’abus et les agressions sont des phénomènes complexes et des personnes marginalisées peuvent commettre de tels actes de domination, la grande majorité des actes de violence sexuelle dans les soi-disant États-Unis sont commis par des hommes cisgenres, blancs et hétérosexuels (Quel que soit l’âge ou le genre de la victime.)
  13. Le Complexe Carcéral-Industriel incarcère de façon très disproportionnée les personnes noires et indigènes.
  14. Le Complexe Carcéral-Industriel incarcère de façon très disproportionnée les personnes noires, indigènes, queer, trans, femmes et mineurs, pour avoir tué ou violemment résisté à un violeur. Tout particulièrement si le violeur est un homme blanc cisgenre.
  15. Les personnes noires et indigènes ne sont pas violentes de façon disproportionnée. Les hommes blancs le sont. Mais les hommes blancs ne sont pas emprisonnés de façon disproportionnées. Au contraire, une majorité de gardiens de prison sont des hommes blancs.
  16. La grande majorité des personnes incarcérées ne sont pas des violeurs ou agresseurs.
  17. Ergo, la grande majorité des personnes incarcérées noires ou indigènes ne sont pas des violeurs ou agresseurs.
  18. Les violeurs et agresseurs échappent de façon disproportionnée à la prison, les hommes blancs adultes sont protégés par la loi, la communauté et les flics.
  19. Les personnes noires et indigènes, trans, non-binaires, et queer, les femmes et les enfants sont les principales victimes de la violence sexuelle.
  20. Parmi celles-ci, les personne qui sont à l’intersection de plusieurs oppressions ont un risque plus élevé d’être violées.
  21. Les personnes qui sont à l’intersection de plusieurs oppressions ont aussi un risque plus élevé d’être incarcérées. Quand elles sont incarcérées, elles sont alors emprisonnées dans une cage gardée par des hommes blancs violeurs avec des badges et des armes et des tasers – instruments d’autorité, menace de mort, et torture.
  22. Un abolitionnisme qui se concentre sur de facto la protection, « réhabilitation » et sécurité des violeurs et agresseurs vis-à-vis de la résistance insurrectionnelle volontaire, autonome, individuelle ou collective des survivant.e.s et leurs allié.e.s est un abolitionnisme qui se concentre sur la protection et sécurité des hommes blancs hétérocis non-incarcérés.
  23. Un abolitionnisme qui bénéficie principalement les hommes blancs cishétéros non-incarcérés, et/ou qui essaye d’une façon ou d’une autre de protéger les violeurs et agresseurs des actes d’action directe perpétrés par les survivant.e.s est un abolitionnisme qui rend service aux puissants et défavorise les personnes marginalisées.
  24. Un abolitionnisme qui débute de la présupposition que « libérer et réhabiliter les personnes incarcérées » est synonyme de « libérer les violeurs, meurtriers et agresseurs » est un programme raciste qui considère les jeunes personnes noires et indigènes comme « violeurs, meurtriers et agresseurs », en acceptant le mensonge fasciste et réactionnaire selon lequel l’incarcération de masse de personnes noires ou indigènes est un projet destiné à « punir les violeurs, meurtriers et agresseurs ».
  25. Quand une personne est sérieusement blessée et a besoin de thérapie et de soin pour se rétablir, c’est de la « réhabilitation ».
  26. Les victimes incarcérées par le Complexe Industriel-Carcéral et l’esclavage racial ont été gravement blessées. Les victimes de viol ont été gravement blessées.
  27. Les violeurs ne sont pas sérieusement blessés par leur décision de violer quelqu’un, et ils n’ont pas besoin de se rétablir de cette expérience.
    27a. Les agressions ou traumas dont un violeur aurait été victime dans le passé ne sont pas liées à leur décision de violer quelqu’un. Leur propre expérience potentielle de victimisation devrait être adressé dans son propre contexte, et non dans le contexte des expériences et besoins de quelqu’un d’autre – nommément, leurs victimes.
  28. Un abolitionnisme qui bénéficie de façon disproportionnée les hommes blancs cishet aux dépends des personnes noires, indigènes, trans et queer, femmes et enfants, n’est pas une abolition du Complexe Carcéral-Industriel.
  29. Un abolitionnisme qui se concentre sur les besoins des violeurs et agresseurs, et bénéficie les hommes blancs aux dépends des personnes marginalisées est complice et collègue du Complexe Carcéral-Industriel, car :
  30. Tout violeur est un flic sans badge. Et :
  31. Tout flic est un violeur avec un badge.

Notes de fin : à celles et ceux qui disent « la résistance violente ne compte seulement comme autodéfense que en tant que dernier recourt, dans l'immédiat d'une aggression »


« Dans la nuit du 16 Novembre 1982, à Cheyenne, dans le Wyoming, Richard Jahnke Senior sorti de sa voiture et se retrouva dans la ligne de mire du fusil à pompe tenu par son fils de 16 ans. Richard Junior tira six fois ; quatre de ses tirs touchèrent son père dans le buste. Dans la maison, sa sœur de 17 ans Deborah attendait dans le salon avec une carabine semi-automatique M-1. Elle n’eut pas à tirer. Une heure après la fusillade, Richard Jahnke Senior mourut de ses blessures.


« Richard fut accusé de meurtre et d’avoir prémédité avec sa sœur ce meurtre. Au procès, les enfants se défendirent en affirmant qu’iels s’étaient protégés des agressions perpétrées par leur père. Richard Jahnke témoigna d’années d’abus violents. Il dit au jury que son père battait sa femme et lui, et battait et abusait sexuellement sa sœur, depuis aussi longtemps qu’il pouvait s’en souvenir. Richard et Deborah témoignèrent avoir à plusieurs reprises tenté d’obtenir de l’aide de la part d’agences de protection des enfants locales. L’avocat de Richard tenta également d’avoir un psychiatre légiste témoigner des effets de cette histoire d’abus sur la perception du danger par Richard la nuit du meurtre. Le jury considéra Richard coupable du meurtre et le condamna à une peine de 5 à 15 ans de prison.


Richard fit appel et remit en cause l’exclusion, lors du procès, du témoignage de l’expert. La court suprême du Wyoming confirma le jugement du procès. Concernant la question de l’autodéfense, il fut affirmé que la seule preuve admissible aurait été « une preuve établissant le fait que la défense pensait de bonne foi être dans un danger de mort ou de blessure grave immédiat, et que le seul moyen d’échapper à un tel danger était par l’emploi de force létale ».

⎯ Joelle A. Moreno, « Killing Daddy : Developing a Self-Defense Strategy for the Abused Child » 2.


Nous ne demandons seulement que les gens se revendiquant « anarchistes » ou « radicales » évitent de s’appuyer sur des outils heuristiques tels que la cour de justice, qu’iels affirment rejeter, pour juger de la justification éthique de l’autonomie des survivant.e.s. Vous avez établi un double standard éthique absurde, équivalent à une règle de droit, selon lequel toute victime ou survivant.e qui ne parvient pas à surmonter physiquement l’assaillant au moment même de l’agression, durant une expérience traumatique où iel a déjà eut son autonomie et son agentivité confisqués, perd automatiquement tout droit de reprendre leur autonomie et agentivité des mains de l’oppresseur par n’importe quel moyen possible ou nécessaire.

Ce standard devient complètement absurde à la lumière de n’importe quelle considération de ce que le viol est dans la vraie vie – il s’agit très rarement d’un étranger dans une ruelle sautant hors d’un buisson, mais presque toujours quelqu’un que la victime connaît, aime, ou duquel elle dépend. Presque toujours quelqu’un qui détient du pouvoir sur elle. Les violeurs, par définition, volent une personne de son autonomie et de son agentivité, et par leur nature les circonstances dans lesquelles le viol a le plus de chances d’avoir lieu sont des circonstances dans lesquelles la victime est déjà sans pouvoir. Nous reconnaissons que le sexe avec une personne ivre est du viol, même si elle dit « oui », car l’ivresse inhibe la capacité d’une personne à donner son consentement informé. Comment une telle personne est supposée surmonter son assaillant au moment d’une agression ? Comment est-ce qu’un.e enfant ou un.e adolescent.e est supposé se défendre contre un père dans le moment de l’agression ? Une femme qui est violée par son mari dans son sommeil ?

En établissant ce standard de protection qui s’applique aux violeurs après l’acte mais pas aux victimes, vous êtes en train d’établir implicitement un standard dans lequel un viol qui peut-être complété avec succès est de fait un acte protégé. Un standard selon lequel la personne la plus forte physiquement peut dominer, voler l’autonomie d’une autre personne, et s’attendre à voir leurs actions être protégées par la « communauté », aussi longtemps qu’elle peut réussir son agression. Vous collaborez avec le violeur en réifiant ce pouvoir, en s’assurant que cette perte d’agentivité et d’autonomie soit renforcée en permanence avec l’accord de la « communauté ». Nous notons que ce standard est tout particulièrement grave quand il concerne les enfants, les personnes âgées, avec des handicaps, ou qui font face à une oppression structurelle qui inhibe leur capacité à riposter contre des assaillants qui détiennent un pouvoir sur elles.

Nous n’avons pas, n’avons jamais, défendu l’introduction d’un standard, une procédure, une règle, une mesure consistant à exécuter tous les violeurs, et nous sommes fatigué.e.s de cet homme de paille malhonnête. Nous rejetons la logique absurde de Engels dans « Sur l’Autorité », qui suppose que tout acte de force est automatiquement autoritaire, même un.e esclave tuant son maître, ou un.e prisonnier.e tuant leur gardien de prison, et nous trouvons extrêmement étrange que d’autoproclamé.e.s anarchistes semble appliquer sélectivement un standard Engelsien spécifiquement et seulement aux survivant.e.s de violence sexuelle. Nous demandons à ce que les « anarchistes » arrêtent de se ranger du côté des juges, des jurys, des cours de justice, des prisons et des flics, qui préféreraient envoyer en prison un adolescent de 15 ans pour avoir résisté violemment et d’avoir fait preuve de solidarité radicale avec sa sœur contre leur père, et ensuite vous faire passer pour « anti-carcéraux ».

Nous demandons que vous arrêtiez de traiter le viol comme une erreur individuelle, une pathologie, une déviance, ou un « pêché » dont il faut se repentir, et que vous le reconnaissiez comme la structure du pouvoir et de la hiérarchie qu’il est. Nous demandons à ce que vous arrêtiez de forcer les survivant.e.s de se conformer à ce standard moral rigide tout en les accusant d’être des autoritaires puritain.e.s assoiffé.e.s de sang pour n’avoir ne serait-ce que contemplé la possibilité d’actes de résistance, pour n’avoir ne serait-ce que imaginé reprendre des mains des agresseurs l’agentivité et l’autonomie qui leur a été confisqué. Arrêtez de calomnier les anarchistes queer et transféministes en les qualifiant de réactionnaires pour avoir cité les théories d’anarchistes transféministes et queer passées 3. Arrêtez de brandir vos livres sur la justice transformative comme des prêcheurs de coin de rue, arrêtez d’accuser les anarchistes trans noir.e.s d’aller contre la « résistance des personnes racisées » en critiquant l’investissement d’anarchistes blancs dans la récapitulation de la culture du viol suprémaciste blanche.

Nous ne croyons pas qu’il y ait une seule solution qui puisse être appliquée à toutes les instances de violence sexuelle.

Mais ce n’est pas notre devoir de sauver les âmes de nos oppresseurs.

Nous n’avons sincèrement aucun intérêt dans ce quoi un agresseur ou violeur « mériterait ». Nous n’avons pas de règle universelle pour évaluer si une personne « mérite » une réponse particulière ou non. Si un violeur individuel désire la repentance, c’est ok pour eux de vouloir, mais ils sont invités d’aller s’en référer à Dieu. Pas nous, et sûrement pas leurs survivant.e.s. Si un violeur individuel change sincèrement et veut travailler activement contre la culture du viol, alors ils sont invités à s’engager dans ce travail de long terme vers la réhabilitation avec celleux qui sont volontaires à dédier des années de leur vie à des efforts de réhabilitation, mais ils ne peuvent en aucun cas un droit indiscutable à partager les communautés de leur propre victimes et survivant.e.s. Le viol est toujours un choix. Il n’est pas une erreur tragique ou quelque chose qui est arrivé au violeur. Ils sont les agents de leurs propres actions. Il y a beaucoup de stratégies possibles, en temps qu’individus ou communautés, concernant la réponse à avoir à quelqu’un qui a choisi, de leur propre chef, de dérober l’autonomie corporelle d’une autre personne. Mais une personne ayant prit cette décision n’est pas automatiquement assurée d’une résolution non-violente des conséquences de ses actions.

Notre but est d’interrompre les structures de pouvoir, et d’interrompre la capacité de ceux qui infligent leur domination à autrui de causer plus de dommages, par n’importe quel moyen possible ou nécessaire. Être anti-viol c’est être antifasciste, ni plus ni moins.

⎯ Judith’s Daggers


Des ressources sur la violence sexuelle policière peuvent être trouvées sur les sites suivant :

a) The California Law Review, “Police Sexual Violence, Police Brutality, #MeToo, and Masculinities”, qui indique qu’au moins 36,5 % des officiers de police dans une étude nationale ont commis des formes de Violence Sexuelle Policière, et crucialement, leurs collègues savaient et les ont protégé (le phénomène du « Blue Wall of Silence »), du plus les femmes noires ont été notées comme drastiquement plus souvent victimes de Violence Sexuelle Policière que les femmes blanches ;

b) Stinson et al. “Police Sexual Misconduct: a National Scale Study of Arrested officers”, qui montre, dans une étude d’officiers de police arrêtés pour des crimes de nature sexuelle, la violence sexuelle ne consiste pas en des cas isolés, et la plupart des victimes (71%) étaient en dessous de l’âge de 18 ans au moment de l’agression, la catégorie d’âge modale étant 14-15 ans ;

c) Isidoro Rodriguez, “Predators Behind the Badge,” dans lequel un officier dit que cibler les victimes de Violences Domestique cherchant de l’aide est comme « tirer sur une vache dans un couloir » (« Like shooting fish in a barrel ») ;

d) Walker and Irlbeck, “Police Sexual Abuse of Teenage Girls: A 2003 Update on “Driving While Female,” qui montre que 40 % des cas reportés de Violence Sexuelle Policière ont impliqué des personnes adolescentes ;

e) Buffalo News, “Abusing the Law,” qui indique qu’un officier de police est arrêté dans un cas d’agression ou abus à caractère sexuel tous les 5 jours aux US ;

f) Lohse’s “Since 2010 At Least 1300 Women and Children Have Been Sexually or Physically Attacked by UK Cops,” , une série en quatre parties sur la violence sexuelle policière et les victimes et survivant.e.s de cette violence. Quand nous disons « tout flic est un violeur avec un badge », nous le disons de la même façon que « All Cops Are Bastards ». Il n’y a pas de bons flics parce que ceux ostensiblement bons renforcent toujours le pouvoir des mauvais ; il n’y a pas de flic qui ne protège pas et ne s’allie pas avec des flics-violeurs, qui ne collabore pas, de façon explicite ou implicite, avec les flics-violeurs contre leurs victimes.

Joelle A. Moreno, Killing Daddy: Developing a Self-Defense Strategy for the Abused Child, 137 U. Pa. L. Rev. 1281 (1989). Consulté le 20 Août 2022.

Nommément, Dangerous Spaces: Violent Resistance, Self-Defense, and Insurrectional Struggle Against Gender